Types d’approche en recherche



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  • Les types de méthodes et de théories

    La qualité d’une recherche repose à la fois sur la méthode et la théorie. Pour simplifier, il existe différentes façons d’étudier un objet auxquelles les mots « paradigme » ou « approche » de recherche font référence. Cet article propose :

    • d’introduire la notion de « théorie de la science » (aussi appelée « épistémologie », « théorie du savoir », etc.)
    • de clarifier des éléments de terminologie dans l’univers des méthodes de recherche
    • de présenter différents niveaux de méthodes et de théories
    • de discuter différentes taxonomies de la recherche.

    Les théories de la connaissance

    Tout projet de recherche doit se positionner quant à la théorie de la connaissance qu’il véhicule et, pour ce faire, préciser :

    • La théorie de la connaissance proposée dans l’étude ;
    • Une définition des idées de base de cette théorie et les auteurs qui sont particulièrement concernés ;
    • Comment et en quoi la théorie de la connaissance a influencé et modelé l’approche adoptée par le chercheur pour son étude.

    Selon Creswell, les quatre théories de la connaissance les plus répandues sont :

    1. Le postpositivisme ;
    2. Le constructivisme ;
    3. La perspective transformative ;
    4. La perspective pragmatique.

    Le postpositivisme

    Les philosophes occidentaux qui véhiculent cette perspective de la construction du savoir sont, par exemple, Auguste Comte, John Stuart Mill, Emile Durkheim, Isaac Newton ou John Locke. En résumé, cette position se caractérise et se traduit par les éléments suivants dans un projet de recherche :

    • C’est une approche déterministe dans laquelle des causes déterminent des effets / des résultats ;
    • Les problèmes étudiés nécessitent l’identification de causes ;
    • La recherche inscrite dans cette approche est réductionniste car elle réduit la collecte des données à un échantillon pour faire son étude et obtenir ses résultats ;
    • Elle étudie le comportement des individus et il est important pour elle de développer des mesures numériques à partir des observations faites ;
    • Pour cette approche, le savoir est conjecture et la vérité absolue ne peut jamais être trouvée. Des lois et des théories gouvernent le monde et celles-ci doivent être testées et/ou vérifiées puis affinées pour comprendre ce monde ;
    • La méthode scientifique consiste, pour un chercheur, à commencer avec une théorie, collecter des données qui appuient ou, au contraire, contredisent cette théorie, faire les révisions nécessaires et conduire les expériences.

    Le constructivisme ou le socio-constructivisme souvent combiné à de l’interprétativisme

    C’est une approche qui tire ses origines dans les travaux de Karl Mannheim et, plus récemment de Peter L. Berger et Thomas Luckmann ou encore Yvonna Lincoln et Egon G. Guba. En résumé, cette position se caractérise et se traduit par les éléments suivantsdans un projet de recherche :

    • Une croyance selon laquelle les individus cherchent à comprendre le monde dans lequel ils vivent et développent des significations différentes selon leurs propres expériences. Le chercheur, a pour rôle de rendre compte de la complexité et de la diversité de ces significations.
    • Le chercheur a pour intention de faire émerger du sens à partir de l’interprétation qu’il propose en se basant sur les significations du monde communiquées par les participants.
    • L’objectif de la recherche consiste à s’appuyer sur la perspective des participants et à étudier les interactions entre participants ainsi que les contextes sociaux, historiques et culturels.
    • Le chercheur reconnait que son background a une influence sur son interprétation et se positionne clairement dans la recherche.
    • Le chercheur peut travailler de manière déductive ou inductive et ne part donc pas forcément avec une théorie.

    La perspective transformative

    La perspective transformative repose sur les travaux de Karl Marx, Theodor W. Adorno, Herbert Marcuse, Jürgen Habermas ou Paulo Freire. Elle est née dans les année 1980 / 1990 parce que certains chercheurs considéraient que l’approche socio-constructiviste n’allait pas assez loin, ne proposait pas d’agenda pour réellement aider des groupes marginaux alors que le postpositivisme ne faisait qu’imposer des lois structurelles qui ne convenaient pas aux groupes marginaux. En résumé, cette position se caractérise et se traduit par les éléments suivants dans un projet de recherche :

    • Elle soutient l’idée selon laquelle la recherche doit être mêlée à la politique et à un agenda de changement pour confronter l’oppression sociale.
    • La recherche contient un agenda de réformes.
    • Les problématiques spécifiques de pouvoir, d’inégalité, d’oppression, etc. sont souvent le point de départ d’une recherche.
    • Le chercheur travaille de manière participative avec les participants pour ne pas les marginaliser d’avantage.
    • La recherche est un moyen de donner une voix à un groupe marginalisé.

    Perspective pragmatique

    La perspective pragmatique repose sur les travaux de Charles Sanders Peirce, William James, George Herbert Mead ou John Dewey. En résumé, cette position se caractérise et se traduit par les éléments suivants dans un projet de recherche :

    • Le pragmatisme en tant que théorie, émerge d’actions, de situations et de conséquences et non de conditions antécédentes comme c’est le cas dans l’approche postpositiviste par exemple.
    • Elle est concernée par l’application, cherche à trouver des solutions qui marchent à des problèmes concrets.
    • Elle se focalise sur le problème de recherche (sans s’affilier à un courant philosophique particulier) et utilise toutes les approches à disposition pour le comprendre au mieux et extraire de cette compréhension, une solution/application. La vérité est perçue comme ce qui fonctionne dans un contexte donné, à un moment donné.

    L’univers des éléments méthodologiques et théoriques et les notions d’approche et de paradigme

    Définition et portée d’éléments méthodologiques

    Abordons d’abord les dimensions épistémologiques des approches de recherche. Comme mentionné ci-dessus, il existe un certain nombre de théories philosophiques à propos du « savoir » et des critères de qualité d’une recherche académique.

    Pour qualifier une recherche, on peut d’abord penser aux approches générales (ou méthodologies, dans le sens de comment conduire une recherche), composées de:

    a) théorie de la connaissance (e.g. postpositivisme, constructivisme, vision pragmatique, vision transformative);

    b) designs de recherche ou « stratégies d’investigation » (Creswell) (e.g. la stratégie d’investigation d’enquête par sondage fournit une description numérique de tendances, attitudes ou opinion par un sondage mené sur un échantillon donné).

    Votre choix de l’approche déterminera globalement comment vous planifiez de répondre à vos questions de recherche. Évidemment la nature de l’objet que vous allez étudier influera aussi en retour votre choix d’approche.

    A un deuxième niveau de granularité, les méthodes spécifiques indiquent les procédures de collecte, d’analyse et d’interprétation des données ― sorte d’ensembles globaux de recettes – pour traiter une problématique donnée (e.g. pour l’enquête par sondage, la méthode est prédéterminée, les questions sont basées sur des instruments préexistants et l’analyse et l’interprétation des résultats se fait de manière statistique).

    A un troisième niveau de granularité, enfin, il vous faudra considérer des techniques qui sont des outils, au niveau pratique, pour recueillir et analyser les données (e.g. utilisation de moyennes, formulation de question dans une enquête par sondage si aucun instrument préexistant n’est utilisable).

    Le tableau ci-dessous fournit une vue d’ensemble pour comprendre les concepts d’approche, de méthodes et de techniques. Il est particulièrement important de ‘faire la distinction’ entre approches générales, méthodes et techniques. C’est-à-dire que vous devriez être conscient qu’une recherche a en général une « orientation méthodologique » globale (ce que nous appelons méthodologie dans ce document) et que pour chaque approche vous pouvez utiliser un ensemble de méthodes et pour chaque méthode un ensemble de techniques. Cependant, une technique donnée peut être utilisée dans le cadre de plusieurs méthodes et approches. Par exemple, vous pouvez calculer des moyennes (une technique) à la fois dans les designs de recherche (stratégie d’investigation) qualitatif et quantitatif.

    Définition et portée d’éléments théoriques

    D’une façon similaire, différents niveaux de théorie existent et vous pouvez faire référence dans votre recherche à l’un ou à l’autre de ces niveaux. Le tableau ci-dessous « Les différents niveaux des théories » dresse la liste des cinq niveaux de théorie les plus importants :

    Dans toute recherche, vous devrez trouver la « bonne combinaison » de méthode(s) et de théorie(s). La figure ci-dessous « Approche, théorie de la connaissance et méthodes » montre comment tous ces éléments peuvent s’assembler. Comme vous pouvez le deviner, trouver la bonne combinaison de tous ces éléments n’est pas chose évidente. C’est ainsi que nous allons maintenant présenter le concept « d’approche de recherche » et de « paradigme de recherche », i.e. des façons standardisées et répandues de conduire la recherche.

    Qu’est-ce qu’un paradigme et une approche de recherche?

    Le terme « paradigme » a été inventé par Thomas Kuhn, qui a écrit abondamment sur l’histoire de la science et a développé plusieurs notions importantes dans la philosophie de la science. Il a créé le terme « science normale » pour se référer au travail quotidien relativement routinier des scientifiques, qui partagent une compréhension avec une communauté d’autres chercheurs de ce que sont la nature de la recherche et la nature des problèmes constituant une recherche intéressante. De tels points de vue sont appelés paradigmes. Le Tableau ci-dessous « Eléments d’un paradigme de recherche » comprend une liste des éléments les plus importants d’un paradigme de recherche :

    Pourquoi est-il important que vous connaissiez le paradigme de recherche dans lequel vous allez inscrire votre recherche, ou, plus précisément, pourquoi devriez-vous préférer la « recherche paradigmatique »? Voici quelques arguments en faveur de ce type de recherche :

    • Vous êtes plus productif si vous pouvez compter sur une approche (ou méthodologie) de recherche confirmée.
    • Différents chercheurs peuvent travailler ensemble, ou, tout du moins, tirer profit des résultats des uns des autres s’ils utilisent le même langage et les mêmes théories.

    Cependant, que se passe-t-il si vous ne le faites pas ?

    • Les gens ne vous comprendront pas et, par conséquent, vous ignoreront et
    • Il ne sera pas possible de comparer vos résultats.

    Remarque : en psychologie expérimentale, le terme « paradigme » fait référence à une expérience prototypique qui peut être (et est) reproduite dans différentes études. Ce mot n’a pas le même sens, cependant l’expérience, la comparaison et la reproduction sont les piliers fondamentaux de ce domaine. En d’autres termes, un chercheur en psychologie expérimentale n’a pas besoin de réfléchir à des façons très générales de faire les choses. C’est une « science paradigmatique » et, par conséquent, le terme paradigme peut être utilisé à une fin différente…

    Examinons maintenant ce que nous entendons par approche de recherche. Il existe en fait deux définitions différentes. « Approche » fait référence soit à une méthodologie générale (comment conduire la recherche), soit à un paradigme plus global qui consiste à partager une même méthodologie pour des objectifs communs et des éléments théoriques.

    (1) Approche = méthodologie générale

    • Une manière de conduire la recherche.
    • Elle inclut un ensemble de méthodes utiles et éprouvées pour étudier un ensemble de phénomènes.
    • Une approche est souvent transdisciplinaire. Par exemple, l’approche quasi-expérimentale a été développée en science de l’éducation mais a été transposée à l’analyse des politiques publiques et de nombreux autres domaines.

    (2) Approche = paradigme (voir ci-dessus)

    • Par exemple : vous pouvez utiliser le cadre analytique de « la théorie de l’activité » pour dire que vous considérez qu’un schéma marxiste basé sur l’activité est adapté pour étudier les phénomènes sociaux, que vous avez adopté les théories de l’éducation liées à Engeström, que vous favorisez la méthodologie qualitative et que vous êtes intéressé(e) par le changement.

    Examinons à présent la question de l’interdisciplinarité. L’interdisciplinarité combine différentes approches ou paradigmes et, par conséquent, n’est pas ce que Kuhn appellerait une « science normale ». Il est possible de distinguer quatre types d’interdisciplinarité (tableau ci-dessous) :

    La recherche interdisciplinaire est très répandue parmi les décideurs et le grand public en général, mais très peu parmi les chercheurs. Pour chacune de ces possibilités de recherche non paradigmatique, il existe des problèmes auxquels vous devrez faire face :

    • La recherche multidisciplinaire est difficile à coordonner. Les participants doivent posséder de larges connaissances et de très bonnes compétences en communication pour échanger les uns avec les autres.
    • La recherche interdisciplinaire est plus facile à conduire car seules les méthodes et les concepts adaptés à vos problèmes de recherche sont empruntés aux autres domaines. Cependant, cela peut déplaire aux communautés scientifiques concernées. La recherche interdisciplinaire prend plus de temps que la recherche disciplinaire. Par exemple, écrire une thèse « complète » sur la technologie éducative qui implique la pédagogie, la psychologie, la sociologie et le développement des TIC demande plus de ressources que de rédiger une thèse dans seulement un de ces domaines.
    • La durée de votre recherche peut varier sensiblement si vous prévoyez de conduire une recherche transdisciplinaire ou pluridisciplinaire. Ce genre de recherche est généralement conduit par des chercheurs expérimentés.

    Classification de types de recherches

    Après cette discussion plutôt abstraite sur les paradigmes et les approches de recherche, examinons la recherche en termes de familles de recherche répandues dans les sciences sociales, y compris dans la technologie éducative.

    Classification selon le niveaux de recherche

    Premièrement, nous devrions être clairs sur le fait que la recherche tente d’expliquer et de généraliser les phénomènes. Conformément à ce principe, nous pouvons distinguer trois niveaux de théorie et évaluer la recherche et les familles de recherche selon ces derniers.

    Niveau 1: description simple
    Ne vous engagez pas dans un tel projet, car il n’a pas beaucoup de valeur académique (à moins qu’il ne soit conduit pour préparer une recherche plus approfondie)
    Niveau 2: classifications et catégorisations
    (i.e.) mettre de l’ordre dans des concepts ou des données
    • L’étude de cas (recherche exploratoire)
    • Typologies (identifier les caractéristiques de catégories de cas, par exemple: utilisations de la technologie dans les écoles, types de professeurs selon leurs croyances en termes de pédagogie, utilisation des TIC, utilisation de pédagogies nouvelles, etc.)
    • Archétypes (identification basée sur la théorie de catégories de cas)
    • La théorie des systèmes (montrer l’interaction entre les éléments)
    • ….
    Niveau 3: la recherche dans laquelle la théorie joue un rôle important
    • La théorie vise à la généralisation et démontre des régularités
    • La théorie tente de comprendre, d’expliquer, ou de prédire

    Il est généralement admis que la recherche devrait aspirer au niveau 3. Le niveau 1 est à peine considéré comme de la recherche et le niveau 2 est approprié à un certain niveau d’évolution d’un sujet de recherche, en particulier lorsque l’on sait peu de choses sur un domaine.

    Classification selon la finalité

    A notre avis, les classifications les plus utiles de la recherche se font selon ses finalités scientifiques, i.e. l’objectif général d’un projet et non pas selon l’orientation épistémologique. La plupart des types de recherche résumés dans le tableau ci-dessous, adapté de Marshall et Rossmann (1995).

    Järvinen (2004) a proposé une taxonomie similaire (Figure ci-dessous), mais cette dernière est présentée sous forme d’un arbre qui montre comment les différentes approches sont liées les unes aux autres :

    Cette typologie est intéressante car elle intègre les sciences de l’ingénieur, chose que les textes de méthodologie des sciences sociales ne font généralement pas. Puisqu’une partie de la technologie éducative concerne la recherche sur les technologies et puisque la formation à distance peut être considérée comme une forme d’ingénierie, cette typologie de Jrvinen est utile.

    Jusqu’ici, nous avons traité des approches de recherche en général. Chaque domaine de recherche peut cependant contribuer par ses propres approches, généralement influencées par la thématique.

    Terminons cette discussion avec la proposition d’une typologie très simple, en trois grandes familles (figure ci-dessous « recherche explicative, orientée test de théorie; recherche interprétative, orientée création de théorie ») et recherche design.

    En technologie éducative, les recherches sont souvent hybrides. Exemple: une étude qui tente de répondre à un problème éducatif avec d’une part une solution de type ingénierie, peut d’autre part apporter des réponses de l’ordre de la recherche fondamentale.

    Classification selon le type de méthode dominante

    Alternativement – et on voit cela dans la plupart des manuels de recherche – on peut classifier les recherches sur un axe « qualitatif », « quantitatif » et « mixte ». A notre avis, cette distinction est problématique puisqu’on peut par exemple parfaitement mener des études exploratoires 100% quantitatives, alors que ces typologie associent « qualitatif » avec « exploratoire ».

    La recherche qualitative est un moyen d’explorer et de comprendre la signification que des individus ou des groupes attribuent à un problème humain ou social. Le processus de recherche implique l’utilisation de questions et de procédures émergentes ; la collecte de données sur les lieux des participants ; l’analyse de données de manière inductive, partant du particulier pour construire des thèmes généraux; et l’interprétation du sens des données. Un rapport de recherche qualitative est de structure flexible.

    La recherche quantitative est un moyen de tester des théories objectives en examinant la relation entre les variables. Ces variables peuvent être mesurées, à l’aide d’instruments, pour que les données numériques puissent être analysées par des procédures statistiques. Le rapport final d’une recherche quantitative est de structure fixe: introduction, revue de la littérature et théorie, méthodes, résultats et discussion.

    La recherche de type méthodes mixtes est une approche de recherche qui combine les deux formes de recherche, qualitative et quantitative. Elle implique un positionnement philosophique, l’utilisation d’approches qualitative et quantitative et l’intégration ou l’utilisation alternée des deux approches dans l’étude.

    Les trois éléments ― théorie de la connaissance, design de recherche et méthodes spécifiques – contribuent à dire qu’une approche de recherche tend à être qualitative, quantitative ou mixte. Le tableau ci-dessous répertorie des différences majeures et nous espérons qu’il pourra aider le chercheur à choisir l’approche la plus appropriée pour son projet de recherche.


    ajouté par PB (21) le 12/11/17 - Avec l'aimable autorisation d'Edutechwiki

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