Cet article décris rapidement une des méthodes pédagogiques archétypales, qui s’appuie sur la transmission entre un sachant et un non sachant : le modèle transmissif. Cette méthode trouve son origine dans la théorie de l’information[1] (1949). Le texte de Claude Shannon[2] définit une science de l’information, et une théorie mathématique, qui permet aujourd’hui de lire un texte sur sa tablette, d’écouter un podcast sur son smartphone, de regarder une vidéo sur YouTube ou à la télévision, de suivre une application sur son tablette tactile. Shannon a dématérialisé tout contenu de communication en suite logique de « bits », quel que soit son contenu (image statique ou dynamique, écrit, son). Avant, on postulait qu’un message, par exemple télégraphique, pouvait être codé, véhiculé, et enfin décodé pour le rendre compréhensible à son destinataire. Les laboratoires Bell travaillaient déjà sur le sujet ; les logiciels de compression, aujourd’hui, en sont une bonne illustration. Shannon, par ses réflexions sur la probabilité des états de transmission d’un signal, a influencé cette théorie.
Figure 1 – modèle de communication selon la théorie de l’information (Shannon, 1949)
Shannon définit la notion d’information d’un point de vue scientifique : il néglige le contenu du message, par exemple son sens, et se concentre sur les caractéristiques physiquement observables. On ne s’intéresse pas au sens des messages. Le canal est la partie du système où circule le signal porteur d’information. Son « diamètre » (représentation imagée), exprime la bande passante, c’est-à-dire le champ défini par les limites inférieure et supérieure de la gamme des informations que peut transmettre le canal. Enfin, le bruit de transmission ou bruit technique correspond à la perturbation de la transmission de l’information : parasitage, brouillage, information non pertinente…. On parle aussi de bruit sémantique, à l’émission et la réception du signal, pour exprimer le fait que deux personnes ne partagent presque jamais exactement le même code. Le bruit sémantique correspond donc à tout élément susceptible de perturber le codage, le décodage et le décodage sémantique. Weaver introduit trois niveaux des problèmes de communication[3] :
- Technique : précision de transmission des symboles de la communication ;
- Sémantique : les symboles véhiculent-ils la signification désirée ;
- Efficacité : influence sur les comportement et attitudes (propagande, contre-propagande).
En formation, la communication d’informations du sachant vers le non sachant (ou moins sachant), selon le paradigme du modèle transmissif, vise la construction de connaissances puis de compétences. Cette quête peut donc se heurter à de nombreux obstacles :
- Qualité de l’émission
- En face à face : voix audible, choix du langage, souci du « référentiel » commun, partagé
- À distance : idem, plus performance du matériel de capture, fidélité (par exemple une capture vidéo en basse résolution ne permettant pas d’apprécier des détails, un micro de piètre qualité…).
- Maîtrise des bruits techniques
- En face à face : le bruit ambiant, les pollutions sonores…
- À distance : idem, plus qualité du canal, protection contre les parasites, les coupures, la détérioration du signal véhiculé (par exemple écouter un podcast dont le débit serait haché, une vidéo ralentie ou coupée, handicapée par une bande passante trop faible, un texte tronqué ou une illustration trop pixélisée…).
- Maîtrise des bruits sémantiques
- En face à face : utiliser un langage compréhensible et partagé, user d’exemples et de métaphores faisant sens pour chacun.
- À distance : idem. L’interface, si elle est complexe ou jugée comme telle par les récepteurs, peut constituer une source de bruit sémantique. En effet, si l’effort de manipulations pour accéder à l’information est abscons, il constitue un obstacle à son accès. On peut être prêt à entendre un message, mais avoir des difficultés à parvenir à l’écouter, par exemple parce que pour entendre un témoignage précieux pour la compréhension, il fallait cliquer sur un lien trop discret, ou trop difficile d’accès.
Nous pourrions ajouter des « bruits d’attention », traduits par la diminution ou le désintérêt manifesté par le bénéficiaire du message. Ces baisses d’intérêt peuvent trouver leurs sources dans la fatigue, la distraction, l’état psychique et psychologique, la maladie, les préjugés, la méforme, la distorsion du sens donné à la communication, etc. Les bruits techniques et sémantiques entraînent souvent des bruits d’attention, pour les moins convaincus de l’intérêt de la communication.
[1] Shannon Claude et Weather Warren, The Mathematical Theory of Communication – University of Illinois Press.
[2] Claude Elwood Shannon (1916-2001) est un ingénieur en génie électrique et mathématicien américain. Il est l’un des pères, si ce n’est le père fondateur, de la théorie de l’information.
[3] Source : HEINDERYCKX, François. Une introduction aux fondements théoriques de l’étude des médias, Liège, Cefal-Sup, 2002 ; cybernétique, la science des systèmes.
le 17/11/17