Si aujourd’hui la formation professionnelle continue est une réalité ordinaire, dont les acteurs semblent clairement identifiés (financeurs, prescripteurs, opérateurs…), supportée par un mécanisme de financement rodé (certes bouleversé par les réformes successives, tentant d’adapter l’appareil de formation continue à la conjoncture économique du moment ou aux stratégies politiques), que l’entreprise déploie quotidiennement pour accroître sa compétitivité, et pour laquelle des bénéficiaires manifestent un engouement plus ou moins spontané pour en profiter, ce n’est pas aussi évident depuis très longtemps. La formation professionnelle continue a aujourd’hui un peu plus de 45 ans : en effet, l’origine du dispositif repose sur les dispositions de l’Accord National Interprofessionnel (ANI[1]) du 9 juillet 1970, sur la formation et le perfectionnement professionnel. à la suite des évènements de mai 68, les accords de Grenelle, fruit de discussions entre l’État, le patronat et les syndicats de salariés, précise dans son 6ème point que les partenaires sociaux ont décidé d’étudier les moyens d’assurer, avec le concours de l’État, la formation et le perfectionnement professionnel.
Les décideurs de l’époque confrontés à une société qualifiée de « bloquée » voient dans la Formation Professionnelle Continue, un moyen à la fois de promotion sociale pour les salariés, mais aussi de gain de productivité pour les entreprises. La Formation Professionnelle Continue, grâce à l’innovation des confédérations syndicales d’employeurs et de salariés devient alors un thème de négociation sociale.
Jusque-là, le vocabulaire a oscillé entre des appellations construites autour des mots éducation et formation, en ajoutant un qualificatif selon la vision que son auteur souhaitait donner : éducation populaire, éducation permanente, formation récurrente, formation professionnelle continue, formation continue. Dans bien des cas, les termes éducation et formation ont même laissé place à d’autres substantifs : promotion ouvrière, promotion sociale, perfectionnement, recyclage… Ces nombreuses dénominations concourent à rendre difficile la comparaison des idéologies, les époques, les idées qu’elles recouvrent. Les mondes professionnel et culturel s’affrontent parfois, tout comme les ambitions sociales ou productivistes. La formation professionnelle continue d’aujourd’hui est l’héritage de toutes ses histoires.
Ces évolutions sont directement impactées par les ANI, animés par les partenaires sociaux[2], qui ne cessent de débattre et négocier le dispositif, en fonction des circonstances économiques et politiques. Et ces accords sont repris par le législateur : le principe de balancier « négociation à ANI à loi » est même posé dans le Code du travail, et concerne également les relations du travail et de l’emploi. Aussi, les mutations souhaitées et négociées entre partenaires sociaux se voient-elles traduites par des lois, qui viennent inlassablement bouleverser les mesures, droits, et obligations en matière de Formation Professionnelle Continue.
[1] Un accord national interprofessionnel est le fruit d’une négociation entre partenaires sociaux au niveau national, généralement liée aux modalités d’exécution des contrats de travail dans l’ensemble des secteurs. En France, l’ANI précède toujours la loi qui en résulte : c’est l’héritage de la construction de la Formation Continue de 1970, pilotée paritairement par les syndicats ouvriers et patronaux.
[2] Syndicats de salariés (FO, CGT, CFDT, CFE-CGC, CFTC) et organisations patronales (CGPME, MEDEF, UPA).
le 17/11/17