e-learning et pertinence pédagogique



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  • La numérisation de ressources (même sophistiquée) et leur mise à disposition à distance, déclinaisons numériques d’une pédagogie transmissive et héritières de l’EAO, ne constituent pas une solution pédagogique en soi. Ce qui peut éventuellement se concevoir en présentiel, parce que le formateur dispose du charisme et de l’empathie nécessaires, parce qu’il anime et rebondit sur les contenus, n’est pas transposable ; le plus souvent, la passation est dégradée, inférieure qualitativement. La médiation y est absente (ou artificielle), la médiatisation et l’interactivité ne suffisent pas à pallier les insuffisances d’interaction. L’e-learning suppose d’impliquer les apprenants dans des activités pédagogiques situées, contextualisées, en interaction avec l’environnement physique et social (Gerry Stahl[1], 2006) ; la technique, la technologie est secondaire au regard des relations interpersonnelles (apprenant/apprenants, apprenant/formateur, apprenant/tuteur ou accompagnateur).

    Figure 1 – construction du savoir personnel et du savoir collaboratif, Stal[2] (2006)

    Le modèle de Stahl du cycle de connaissance (ou cognition de groupe), représenté ci-dessus, montre le lien nécessaire et intrinsèque entre les processus de connaissance personnelle et de savoir collaboratif. La séparation représentée par la ligne pointillée marque le domaine de la construction du savoir personnel, à gauche, du domaine du savoir collaboratif, à droite. En e-learning, objet des travaux inspirant ce diagramme, cette frontière marque le recours à des modalités d’échange, de médiation, inspirées du socioconstructivisme, nécessitant des dispositifs logistiques et organisationnels ad hoc. En d’autres termes, un dispositif e-learning qui n’intégrerait pas les modalités de médiation (physiques ou non – moments d’expression du conflit cognitif), ne pourrait pas prétendre à une construction collective des savoirs, phase clé d’une orientation constructiviste. Cette médiation peut prendre de nombreuses formes[3] :

    • L’apprentissage « côte à côte », réunissant plusieurs apprenant autour d’un même objet, éventuellement avec l’assistance d’un tuteur ou d’un formateur ;
    • Les modes COMPETICE autre que « distanciel complet » sans accompagnement (stricte autoformation) ;
    • Les espaces de partage de la connaissance, espaces de travail collaboratif, les dispositifs de knowledge management ;
    • Les outils de communication médiatisée partagés, Communication Médiatisée par Ordinateur (CMO) : messagerie, chat, forum, wiki modéré…

    Enfin, un ultime courant met en œuvre les technologies sociales (forums, big data, réseaux sociaux, wikis, LMS, espaces de travail collaboratif…) pour l’apprentissage : le social learning. Selon Laetitia Pfeiffer (2015), le social learning prend en compte « les nouveaux usages de transversalité, d’exploration libre et de croisement d’informations. Il permet aux apprenants de créer leur propre espace d’apprentissage[4] ». En fait ce courant est la résultante de plusieurs autres :

    • Celui des apprentissages collaboratifs, fidèles aux théories des interactionnistes symboliques, comme Bandura (1986) ou Shunk (1991)
    • Celui du mouvement Web 2.0, chantier de la technologie ouverte, interactive et contributive
    • Celui du socioconstructivisme, de toute évidence. Plus de cerveau isolé…
    • Celui des apprentissages informels (voir le paragraphe sur le changement des repères et des habitudes et de la sérendipité, page 59).
    • Enfin, Bernard Blandin[5] (2011) désigne un lien fort avec le e-learning, qui serait d’après lui à l’origine du social learning, notamment dans sa configuration sociale.

    
    

    [1] Professeur émérite – Information Science, Drexel University & the Math Forum.

    [2] D’après le diagramme du cycle de connaissance de Stal (2006) – Open University.

    [3] Exemples extraits de « Theories of Learning and Studies of Instructional Practice » de Timothy Koschmann, éditions Springer (2011).

    [4] Laetitia Pfeiffer (2015) – MOOC, COOC : la grande conversion numérique. Paris, Seuil

    [5] Bernard Blandin (2011) –  L’elearning, in P. Carré & P. Gaspar (Traité des sciences et des techniques de formation). Paris, Dunod.

     


    le 17/11/17


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