adhésion au e-learning



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  • « Trop chronophage, c’est pour les jeunes, ce n’est plus le même métier, on ne peut rien maîtriser, cela n’est pas si important, c’est une mode superficielle… »

    Autant de propos, symptômes de la résistance au changement, souvent entendu çà et là. Fondées ou infondées, rationnelles ou irrationnelles, ces expressions mélangent le plus souvent des points de vue personnel et professionnel. Elles peuvent traduire de légitimes inquiétudes ou plus négativement servir d’excuses pour ne pas s’engager dans la production et l’animation du e-learning. On l’a décrit, les résistances sont inhérentes aux processus du changement. Cela se vérifie dans le cadre du passage au e-learning, et François Guillot[1] (2015) constate huit types de manifestations de la résistance :

    1. Le manque d’intérêt. Le résistant remet en question, ou minimise l’importance du numérique en formation, génériquement, à la fois pour son entreprise (enjeu général), ou pour lui (enjeu particulier). Les évocations sur l’intérêt général non avéré, sur le fait que tout fonctionne correctement sans cela, que cela s’apparente surtout à un effet mode… sont des expressions de ce manque d’intérêt.
    2. Le manque de temps. Le résistant invoque le manque de temps : je n’ai pas le temps, c’est chronophage… En apparence, l’intérêt n’est pas questionné : si j’avais les ressources en temps, bien sûr que je m’y mettrais. En fait, il s’agit surtout ici d’une définition de priorités.
    3. Le fossé générationnel. Ici la résistance est l’invocation de la génération : les jeunes s’y intéressent, mais pas moi, c’est pour les nouvelles générations, je suis trop vieux… La plus grande ligne de fracture n’est sans doute pas entre les vieux et les jeunes, mais entre les curieux et ceux qui ne le sont pas. Cela renvoie aux enjeux culturels — plutôt que techniques.
    4. La manière d’être (attitude). Certaines formes de résistance évoquent des problèmes de comportements et de relations interpersonnelles : superficialité, isolement et individualisme, préférence de médiation directe, réseaux sociaux critiqués, mauvaise délimitation de la vie privée et la vie professionnelle… Toutes ces critiques sont parfois – souvent – recevables. Mais c’est justement au formateur de donner du sens à ces outils et leurs usages, dans le cadre pédagogique.
    5. Le manque de compétences. Je ne sais pas faire, c’est trop compliqué, c’est uniquement technique, c’est une histoire se spécialiste… L’enjeu ici est de mesurer les incompétences techniques de celles liées à la mise en œuvre d’une pédagogie pensée pour le e-learning.
    6. La mauvaise expérience. Le résistant peut prétexter des expériences vécues malheureuses, comme bon nombre de productions peuvent en donner l’occasion ! L’avis sur la modalité est alors tranché, négatif, et définitif. Qu’est-ce qui a failli ? La technique, l’ergonomie, l’accompagnement, l’histoire racontée, le sens donné à l’apprentissage ? la question n’est généralement pas posée.
    7. L’anarchie. Le e-learning est alors décrit comme un espace où on ne peut maîtriser ce qui s’y passe, où certains tricheurs pourraient prendre la place des véritables apprenants, où l’oisiveté serait facilitée, où les pires expressions peuvent être délivrées sans filtre.
    8. L’éthique. Données personnelles, protection de la vie privée, droit à l’oubli… Les critiques de nature éthique sont très présentes dès que l’on s’intéresse au e-learning. Loin de les réfuter, il convient sans doute de s’assurer des protections utiles et de rassurer chaque utilisateur.

    Dans sa recherche des freins et moteurs à l’utilisation des plateformes e-learning, Marcel Lebrun avait proposé une série d’items que l’on peut rapprocher de ceux de Guillot :

    Figure 1 : rapprochement des clés de sondage de Lebrun et des catégories de Guillot

    Ces oppositions s’inscrivent à divers moment du changement, qu’Elisabeth Kübler-Ross[2] a proposé de réunir en quatre grandes phases :

    Figure 2 : 4 grandes étapes du changement, d’après les travaux d’Elisabeth Kübler-Ross

    La comparaison de la courbe de Kübler-Ross (ci-dessus), celle illustrant les phases de la résistance à l’apprentissage (cf. travaux de Piaget), et celle présente ci-dessous est intéressante : leurs ressemblances traduisent pour chaque cas (l’apprentissage, le changement) les marques de naturelle résistance, et les efforts nécessaires pour gagner l’objectif.

    Figure 3 : Quand La représentation des étapes du changement rejoint celle de l’apprentissage

    
    

    [1] Professeur à l’institut catholique de Paris, social media & digital transformation.

    [2]  Psychiatre helvético-américaine, pionnière de l’approche des soins palliatifs pour les personnes en fin de vie. Elle est connue pour sa théorisation des différents stades émotionnels par lesquels passe une personne qui apprend sa mort prochaine. Elle a initialement appliqué ces étapes à toute forme de perte catastrophique (emploi, revenu, liberté) ou lors de grands changements.

     


    le 17/11/17


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